État de l'art de guérir en Danemarck : aux temps les plus reculés, ainsi qu'au moyen âge / par T.C. Bruun-Neergaard.

  • Bruun-Neergaard, T. C. (Tønnes Christian), 1776-1824.
Date:
1818
    x les maux d’yeux des hommes, mais même ceux des animaux. Une autre source à Tyrsbaek , aussi en Jutland , avoit la réputation de guérir des échauffemens ; on attribua même aux eaux d’une source à Broenshoeli en Séeland, des qua- lités pour guérir la peste. Chaque province avoit sa source principale, que le malade devoit visiter dans la soirée de saint Jean , s’il n’avoit pas retrouvé le soulagement désiré dans les eaux de la source la plus voisine de son habita- tion. Plusieurs de ces sources principales sont même encore visitées aujourd’hui, comme la source d'Hélène en Séelande, celle de Kippingé à Falster, celle de Frorup en Fionie, et d’autres. L’usage de ces saintes sources fut si grand, que presque chaque commune avoit la sienne. Ce que plusieurs de ces sources rapportent encore aujour- d’hui, fait présumer combien elles ont rapporté autrefois. Les pénitenciers du pape arrivoient aussi pour faire leur quête vers la saison où le plus communément ce genre de voyages avoit lieu. On faisoit un grand usage de l’eau pour des bains chauds et froids, tant pour conserver la santé, que pour la rétablir dans des maladies externes et internes. Saxo dit que Waldemar et son ami Absalon en firent usage. Huitléld raconte que le roi Waldemar Cristofersen cm- ployoit l’eau d’une source près de Yordingborg pour se guérir de la goutte. La princesse danoise Ingeborg, depuis reine
    ( *8 ) de France, se plaint, dans une lettre au pape l de no pas assez faire usage des bains, et de ne pas pouvoir être saignée. Des maisons.de bains, appelées Badstuer, eloienl établies dans presque toutes nos villes. Le mot bad qui signifie échauf- fer, prouve qu’on employoit les bains chauds. Les 'maisons île bains perdirent de leur réputation; quand les maladies vénériennes commencèrent à se répandre ; il paroit qu’elles ne jouissoienl pas d’une bonne réputation intacte, elles lurent soumises à une inspection plus sévère , et leur nombre diminua. On sait peu de chose sur la manière de soigner les rnaiades. Saxo dit qu’on avoil une espèce de chaise à porteur pour les convalescens qui ne pouvoienl pas supporter les cahots des chariots , ou monter à cheval. On portoit le roi Suend , parce qu’il ne pouvoit pas supporter les mouve- mens de la voiture. Saxo paile d’une espèce de bassinoire, dans laquelle or> met toit des briques rougies au feu pour chauffer les lits des malades. Le même auteur nous apprend qu’on guérissoit comme aujourd’hui les noyés par des frictions ; Esbern Snorro qu-i étoit tombé dans l’eau lut ainsi rétabli. Dans des cas graves, on eut, après l’introduction du christianisme , recours aux miracles, aux reliques et aux prières faites aux saints particuliers du pays, comme saint Oluf> saint Knud, et d’autres. On ne peut pas croire, d’après ce qu’on vient
    de dire, que l’état de l’art de guérir dans le Nord fût très-brillant au moyen âge II ne defoit pas I être plus dans le nord de l’Europe que dans le midi, où les Universités étoienl fréquentées par ceux des lia bilans qui vouloient savoir plus qu’ils ne pouvoient apprendre dans les écoles de leurs couvens. Dans l’art de guérir, ainsi que dans toutes les autres sciences, on négligea long- temps les sources; on ne connoissoit les auteurs anciens que par de mauvaises traductions, parce que peu de personnes avoient étudié les langues fondamentales, particulièrement legrec.Treschou raconte que le savant Hemmingius fut obligé, peu de temps avant la réformation, d’aller à Lund pour étudier la langue grecque, qu’il ne pouvoit pas avoir apprise dans cinq écoles latines qu’il venoit de visiter, parce que les pro- fesseurs même l’ignoroient. La médecine ne s’apprenoit, comme les autres sciences, qu’avec des glossaires barbares, des commentaires inin- telligibles et des extraits pleins de fautes. En médecine, comme en théologie et en philoso- phie, des rêveries et des recherches inutiles procuroient le titre de savant. On étoit trop loin alors de bien connoîlre ce qui peut donner justement ce titre. Les médecins ignoroient la physique; 1 histoire naturelles la botanique leur étoient en.général inconnues; ils ne s’oçcupoient que de l'astrologie et de
    la nécromancie. Les hommes instruits avoient même peu de confiance dans les médecins. Saxo dit , en parlant d’un médecin de. la Scanie, appelé Jean (Johannes), qui n’avoit pas réussi à guérir le roi Valdemar Ier , « que celte guérison manquée prouvoit le peu de confiance qu’on doit avoir dans les méde- cins. » S’il y avoit peu d’hommes savans, profonds et instruits dans l’art de guérir, il ne manquoit pas pour cela d'individus qui pratiquassent cet art. On peut compter dans ce nombre des moines , des curés, des religieuses, des hommes qui dirigeoient les bains ( Bademaend ou jBadeshaerrer), et des charlatans qui couroient d’une province à l’autre, se donnant pour guérir toutes sortes de maladies. Les papes, les conciles défendirent inutilement cet art aux ecclésias- tiques ; ils furent seuls les principaux médecins jusqu’à la réformation. Ce furent sans doute eux qui écrivirent les onze livres de recettes , dont plusieurs existent encore aujourd’hui , livres qui couroient les campagnes , et étoient assi- gnés comme héritage à la troisième et qua- trième génération. On n’avoit pas de médecins publics gagés. Des docurnens du quinzième siècle prouvent qu’on avoit déjà dçs pharmaciens : on croit que les premiers ont été'des ecclésiastiques. Les rois et
    ( 3! ) les grands personnages paroissent cependant avoir eu leurs médecins particuliers. Saxo parle de ceux qui saignèrent la reine Marguerite, le roi Niels et l’archevêque Eskild. Le premier médecin royal que cite cet historien, est l’abbé Jean (Johannes), de la Scanie, où il jouissoit d’une grande réputation. Il manqua cependant , comme je l’ai déjà dit, la guérison du roi Val- demar Ier; il prépara au roi une tisanne,et l’enveloppa de linges pour le faire suer, mais sans fruit, ce qui porta Saxo à s’écrier contre lui. Lagerbring prend le parti de Jean, en di- sant que Saxo avoit peut-être une trop haute idée de l’art de guérir, en voulant qu’il dût sauver tout le monde de la mort. Bartholin le défend moins, il ne lui attribue que de très- foibles connoissances. On ne trouve, après Jean, aucun autre médecin que l’abbé (Mester), Henri Harpestraeng J’ai déjà parlé de son ouvrage sur l’art, de guérir. Si son livre est écrit comme on le prétend , dans la langue du pays , alors Harpestraeng devient un homme intéres- sant même pour l’histoire de la langue danoise. Arield Huitfeld l’appelle Medicus et Canoniciis Roschildensis, et dit qu’il est mort en ia44- Gram le cite, mais sans rien dire de son mérite. Bartholin en parle encore comme du premier médecin que notre histoire ait cité. Des savans danois nous promettent sur la vie de Harpestraeng,